Une petite histoire du karaoké en France…

Le karaoké, né au Japon dans les années 1960, est réellement arrivé en France au début des 90’s.

Auparavant, de premières machines à chanter avaient été installées près de la cascade de la brasserie d’une galerie des Champs Elysées, ou dans la discothèque « New Japonesque » du 1er arrondissement de Paris.

Un entrepreneur avait tenté de lancer un appareil Phillips, combiné lecteur de cassette audio – mixeur – ampli -enceinte.

Au « Studio Je chante », dans le Forum des Halles, on pouvait venir enregistrer sa chanson, grâce à une collection de PBO (play-back orchestre), exploitée l’été à St Tropez (studio Pirate).

De facto, seuls des établissements asiatiques (clubs privés japonais, restaurants chinois) faisaient un vrai usage du karaoké sur disques : à noter que le club « Anagura », rue Monsieur le Prince, possédait le 1er disque de chansons françaises jamais pressé, un vinyl vidéo analogique « VHD », une technologie JVC lointain ancêtre du DVD.

En 1989-1990, l’électronicien japonais Pioneer (Laser Karaoké sur laser-disc vidéo 30 cm), suivi par ses concurrents Nikkodo (inventeur du karaoké, mais aussi utilisateur et distributeur de la technologie Pioneer) ou Daï-Shi-Ko-Sho (karaoké graphique CDG 12 cm), s’implantent en Angleterre (grâce à un catalogue existant de chansons internationales en anglais), et le succès est foudroyant.

Pioneer décide donc de s’attaquer à l’Europe continentale, et mandate en France son importateur Jacky Setton pour lancer le produit : celui-ci confie fin 1990 la distribution parisienne du karaoké aux dynamiques formateurs moto de « Zebra » (Père-Lachaise), qui rapidement vendent un premier équipement au « Cintra » à Dijon. Mais très vite, le marché patine, car malgré les efforts de Pioneer, les disques en français ne sortent pas.

En effet, une vidéo karaoké nécessite un double accord de trois interlocuteurs, auteur, compositeur, et éditeur de la chanson (l’interprète n’est pas concerné puisque la chanson est réenregistrée sans soliste) : accord économique sur une redevance à payer pour pouvoir écrire des paroles, et accord « moral » sur la vidéo à adjoindre à la chanson. La légendaire bureaucratie à la française faisant le reste, rien ne sort.

En 1991, revenant d’Asie, un entrepreneur reprend la structure Zebra, importe quelques titres en français (« Les Champs Elysées » sur un disque en anglais Nikkodo), et oriente l’entreprise vers le service aux établissements asiatiques de Paris, ainsi qu’à l’événementiel : Zebra devient « le » karaoké mobile de Paris, avec de hauts faits comme la fête TF1 à l’Aquaboulevard l’hiver 1992, ou des opérations commerciales pour les marchands d’alcool (Ricard, Pernod, Hennessy, Heineken, Kronembourg, Sovedi …) privés de publicité par la loi Evin.

L’été 1992, Daniela Lumbroso et Gérard Holtz tentent l’aventure d’une émission TV karaoké sur Antenne 2, sur la base des PBO du « Studio Je chante », lui-même transformé en café karaoké rue Halevy, face à l’Opéra de Paris. Polygram et Jean-Luc Lahaye tentent de lancer une collection de cassettes audio. En fait seul le karaoké « vidéo » (avec les paroles qui s’écrivent sur une TV) marche.

Le japonais Nikkodo sort un Laser-disc de chansons classiques,sous-titrées en français
ainsi qu’en japonais phonétique. Pioneer sort enfin son premier disque « légal » en français, l’anglais Sunfly lui emboîte le pas, Polygram brade même un « Spécial Johnny », le marché peut enfin décoller et Zebra installe près de 100 établissements entre 1992 et 1993, rejoint pour chaque région de France par d’autres distributeurs.

1993, de nouveaux producteurs apparaissent : un enseigniste de Courbevoie (Musidol), un restaurateur de Champigny (Play-Back) et un musicien de La Villette (Star Karaoké) lancent leur collection. L’effet de rareté est encore fort, et chaque sortie de nouveau disque en français est accompagnée par une livraison immédiate dans le Paris qui chante.

Ces producteurs inventent même une spécificité française du karaoké, à savoir son usage domestique sur cassette VHS, puis DVD : ce succès motivera leurs distributeurs Welcome, Wagram, WMD ou FT, à poursuivre ultérieurement l’aventure.

Le karaoké, implanté dans 70 % des cafés japonais, plafonne à 3-4% de pénétration en Europe occidentale : le marché d’équipement étant saturé, et les animations karaoké désormais proposées par chaque disco-mobile, Zebra se lance en 1995 dans la production de Laser Discs karaoké (destinés aux cafés) et de VHS (distribution Polygram Vidéo). L’entreprise quitte Père-Lachaise pour les abords de Bastille boulevard Morland.

Après avoir vendu 15 000 machines karaoké en Europe en 5 ans, contre … 100 000 par an en Chine, Pioneer se retire peu à peu du marché qu’il a créé, laissant l’initiative à toute sorte d’acteurs, comme les organisateurs des Rencontres nationales du karaoké, ou le producteur TV Arthur, qui invente avec La Fureur (Antenne 2 puis TF1) la première bonne émission TV de karaoké au monde, augure de la fortune que l’on connaît.

Sacem-SDRM et éditeurs musicaux finissent par fluidifier leurs autorisations, et le marché « soft » s’organise autour de trois producteurs indépendants, travaillant peu ou prou pour chaque « major », Picto, FT et Zebra.

Fin des 90’s, l’arrivée du DVD met fin à la scission entre un marché pro (Laser Disc à 150 euros) et grand public (VHS à 20 euros). Zebra, après quelques tests de production « mono-artistes » (Boys Band, Piaf, Aznavour, Mariano, Julio Iglesias), sort le premier DVD chez Polygram (« Maxi Tubes »), puis se spécialise dans des compilations très fortes, faites uniquement de tubes, grâce entre autres à la confiance de l’éditeur Pilotis (« MCKS, Meilleure compil karaoké du siècle », chez Arcadès).

Vieux de 10 ans, le marché du karaoké aurait dû disparaître : or un acteur inattendu relance le secteur, dans le sillage des émissions TV de type Star Academy. Le fabricant de jouets Lansay réveille la technologie désuète du CDG (un CD audio qui délivre aussi un balayage de texte sur des lecteurs spéciaux) et sort toute une gamme de jouets destinés aux fillettes. Le succès est d’autant plus important, qu’étant le seul à employer encore cette technologie du CDG, Lansay exploite un format quasi-propriétaire. Il est fourni en disques par Picto et Zebra, via Universal.

Les saisons karaoké 2003 et 2004 sont brillantes : la mise en rayons d’avant Fêtes, en novembre et décembre, est estimée à un demi-million d’exemplaires DVD ou CDG karaoké.Ce dernier succès annonce malheureusement le déclin du karaoké : depuis longtemps les DJs ont appris à copier les disques plutôt que de les acheter, les consommateurs leur emboîtent le pas, le marché devient trop petit pour amortir des nouveautés … le karaoké, ancêtre de tous les produits dérivés, est la première victime de la numérisation – démonétisation de la consommation musicale.

Zebra, ultime distributeur spécialisé, après un passage rue Lesdiguières, cesse son activité, mais conserve ce site, « mémoire » du secteur.

Et envoie un salut amical à tous ses anciens clients, animateurs, collaborateurs, chanteurs, ou aussi éditeurs, auteurs, musiciens, vidéastes, qui ont fait avec nous et pendant 15 ans la belle histoire des « marchands de karaoké depuis 1990 ». 

Pour acheter des matériels ou disques karaoké à Paris XIII : GOYONA
Blog personnel, une vie après le karaoké …